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« Il faut défendre les valeurs démocratiques, c’est un combat de tous les jours »

Badawia 05Mercredi 16 Avril, il est 8h, les élèves de seconde 2 et de seconde 5 attendent impatiemment devant la salle polyvalente du Lycée Les Eucalyptus, Nahed Badawia arrive. Tous s’installent, la journaliste syrienne prend la parole : « Bonjour à tous, merci d’être venus, je suis ici aujourd’hui pour vous parler de mon pays, ainsi que des problèmes pour les journalistes comme moi en ce moment. ».

De la Syrie au lycée Les Eucalyptus, en passant par la Maison des Journalistes : itinéraire d’un combat pour la liberté d’expression

Accompagnés par leur professeur d’histoire-géographie et leurs professeurs Badawia 04documentalistes, les lycéens ont réalisé un important travail de recherche sur la Syrie, afin de pouvoir poser les bonnes questions, aidant ainsi la journaliste à mieux se dévoiler.
Nahed BADAWIA a quitté son pays il y a un an. Elle était à la base ingénieur. Lorsque le chef de la dictature (Hafez el-Assad) a donné en 2000 le pouvoir à son fils (Bachar el-Assad),  considéré comme un « libérateur », elle a donc décidé de devenir journaliste pour participer à la vie politique de son pays, alors surnommé « le royaume du silence ».Mais elle est aujourd’hui réfugiée politique en France. Elle séjourne depuis février 2013 à la Maison des journalistes située dans le XVe arrondissement de Paris. Cette association accueille depuis plus de dix ans, les reporters en danger de mort qui demandent l’asile politique à la France. Elle propose aux établissements scolaires de les rencontrer dans le cadre de l’opération « Renvoyé spécial ».
En premier lieu cette journaliste est venue pour parler de son pays : un diaporama a permis de présenter la Syrie dans  ses aspects historique, social et politique. Dans un second temps, madame Badawia a accepté de répondre à plusieurs questions des élèves, notamment concernant son métier de journaliste, la liberté d’expression dans son pays et ailleurs, les risques du métier, son éventuelle autobiographie et enfin ses espoirs.

« Il n’y a presque plus de liberté d’expression en Syrie »

Les élèves commencent par aborder le thème de la liberté d’expression en Syrie. L’un d’eux demande : « Qu’en est-il de la liberté d’expression en Syrie ? ». La journaliste répond « : « Il n’y a presque plus de liberté d’expression en Syrie ». Elle argumente ensuite cette réponse. Elle  rappelle que la guerre civile en Syrie éclate en mars 2011, après le « Printemps arabe » et les nombreuses manifestations contre le régime dictatorial de Bachar El Assad. Il s’agit surtout d’une révolte pour la liberté d’expression, d’opinion. Ainsi à  Homs, avec la fameuse « dance in the city », les habitants ont dansé dans la ville en réclamant des libertés.

Manifestation aux œilletsBadawia A.JPG

 

Le gouvernement répond aux manifestations pacifistes par les armes. D’abord en éliminant des activistes et leurs familles, puis en allant jusqu’à torturer et tuer des enfants. Les opposants au régime s’organisent alors au sein de groupes rebelles armés, des plus modérés comme l’Armée Syrienne Libre (ASL) fondée par des militaires syriens favorables à l’instauration d’un régime démocratique, aux extrémistes djihadistes qui prônent un régime islamiste (Front Islamique, JabhatAl Nosra, Etat Islamique en Irak et au Levant ou  EIIL).  Plus de 150 000 syriens ont déjà été victimes de cette guerre, en majorité des civils, y compris des enfants. Bashar-el-Assad  a un double discours : à l’extérieur il dit être contre le terrorisme qui sévit dans son pays, tandis qu’en interne il dit qu’il y a un complot international.Dans ce contexte, les journalistes, témoins gênants de la répression, deviennent des ennemis d’Etat. La journaliste a évoqué le cas d’un caricaturiste, Ali Ferzat, arrêté par le gouvernement, ce dernier lui a cassé les doigts pour qu’il ne puisse plus dessiner.Le régime refuse même  l’accès de la Croix Rouge aux blessés.
Badawia 03Plusieurs sujets s’enchaînent ensuite : « Les réseaux sociaux vous aident-ils à communiquer ? » « Etes-vous restée en contact avec d’autres journalistes syriens ? » « Retourneriez-vous en Syrie si des couloirs sécurisés étaient  créés pour les journalistes et les convois humanitaires? », « Pourquoi être venue en France ? ».

 

Danse à Damas 2012Badawia B

 

 

La journaliste se fait une joie de répondre à toutes les questions posées. Pour résumer toutes ses réponses,  elle dit d’abord qu’il est très difficile d’exercer le métier de journaliste en Syrie, on risque la mort. Les réseaux sociaux sont un moyen très utile pour communiquer lors de guerre ou de révolutions. Les jeunes via les technologies modernes font des vidéos lors des manifestations, qu’ils postent ensuite mettre sur le net, ce qui va permettre de montrer au monde entier ce qui se passe en Syrie : « tout le monde peut être journaliste ».S’il y avait  possibilité de travailler dans des conditions sûres dans son pays, N. Badawiay retournerait volontiers.Son choix d’aller en France était basé sur l’espoir d’un pays plus libre en matière de médias. Par la suite elle s’est rendu compte que la liberté totale n’existait pas, « la démocratie est un combat de tous les jours ».

Badawia 02Madame Badawia a décidé elle aussi de poser une question à un élève : « quelle est votre opinion de la Syrie? ». L’élève en question, d’origine arménienne, a répondu qu’ayant des connaissances qui ont vécu dans ce pays, malgré la guerre et grâce à la solidarité des habitants, il y fait bon vivre entre communautés. Ceci a semblé toucher la journaliste.
« L’Etat commence à fatiguer. La guerre va bientôt se terminer »

N. Badawia montre d’ailleurs que la Syrie n’est pas qu’une zone de combat mais aussi un pays riche de son histoire et de ses découvertes. Ce pays a sa place dans l’histoire de l’humanité car l’une des plus anciennes civilisations y est apparue.Son témoignage positif a permis d’apporter une note d’espoir dans cette lutte de pouvoir et une possible  résolution de cette guerre : « L’Etat commence à fatiguer. La guerre va bientôt se terminer ». Ali Farzat a réussi à s’échapper, à se réfugier en Amérique, et dessine toujours…

Badawia C